samedi, juin 04, 2005

Paysage électoral

Les élections parlementaires sont là, ‘enfin’ disent les uns, ‘hélas’ disent les autres. La première étape est la capitale, le paysage « démocratique » est surprenant non par l’ampleur de la bataille électorale mais par une surabondance de portraits différents et pourtant identiques. Les photos et les banderoles se déploient partout à travers la ville. Une liste électorale qui fait la guerre à elle même, une quasi absence d’adversaires et pourtant la campagne électorale est flamboyante.

Des photos en couleurs, un père martyrisé, un fils naissant et des visages anodins qui se rassemblent autour du roi. Voilà le nouveau visage de Beyrouth, tantôt un sourire tantôt un regard méditatif. Une omniprésence de ce nouveau venant, ce sauveur héritier, Beyrouth illustre la nouvelle démocratie. Une figure unique mais qui prend différentes formes. Un fils à l’image du père, un fils à la place du père. Le roi est mort, vive le roi !

Beyrouth est inondée de slogans et de mots démunis de sens, « unité nationale », « liberté », « indépendance », « allégeance ».Le martyre avant tout, rien d’autre ne compte ; lois, nation, peuple, ceux-là sont négligeables face à l’immensité de la perte, la grandeur du défunt.

Voilà le paysage électoral de Beyrouth au lendemain de l’ « indépendance » victorieuse que l’unanimité a déclarée comme l’œuvre d’un peuple qui s’est enfin réveillé. Ce même peuple ne s’est pas senti concerné le jour des élections, plus que 70% de ce même peuple ne s’est pas réveillé, et pourtant la démocratie est enfin victorieuse. Le peuple s’est prononcé et les silencieux, eux, n’existent pas.

Unanimité, élection d’office, quelques voix dans une caisse de vote, des yeux perplexes qui regardent les chaînes de télévision, des clips rappelant l’immensité de ce jour, une absence du peuple, quelques dollars, des photos en couleurs, des mots poétiques, des phrases rimées, un pays, et une unité nationale introuvable que dans les slogans et les discours, un pays indépendant qui déborde de liberté et de ridicule, voilà le Liban qui se révolte.