mercredi, août 31, 2005

Lui

Il s’était trouvé par sort ou par volonté dans une foule parlante. Son regard simulait un phare, mais il n’y avait ni mer ni marin, que des navires désertés par leurs capitaines fictifs. Pour lui, c’était un moment inévitable, un passage qu’il ne pourrait éviter, il avait pris la route de l’inconnu et ne voulait pas y renoncer.

Des mots volatils se répandaient dans l’air frais de la ville, des conversations multilingues, des discours limités par des barrières humaines, des barrières qu’il avait prévues. Il n’était pas, c’était un autre, son ombre. Un spectre qui lui avait volé son être momentanément.

Ses idées, quelques idées, avaient survécues. Elles le tourmentaient par moments, et hantaient son spectre.

C’est la nuit qui le ressuscita, elle avait depuis longtemps empoisonné son esprit par sa beauté tragique. Il était inconsciemment amoureux de la nuit, il aimait ses caresses intimes, il aimait son regard mystérieux, son ombre qui noyait ses occurrences dans un semblant de calme maussade. Il aimait sa maîtresse nocturne, sa déesse. Les grecs l’appelaient parfois Euphroné ou même Eubulie, Mère du bon conseil. La mère des dieux, fille du Chaos, fille du Ciel et de la Terre, elle avait précédé toute chose. C’était seule qu’elle a engendré « l’inéluctable et inflexible » Destin, mais aussi la Mort et tout ce qui est mal dans la vie.

Pourtant elle lui procurait un barrage contre toute infortune. Chaque jour il l’attendait, partout, il attendait son odeur qui annoncera la douceur de sa peau sur la sienne, l’amertume délicieuse de ses lèvres.

Le lendemain, il hésita, il ne voulait pas se reperdre.

Le lendemain, il attendit la nuit.