vendredi, novembre 10, 2006

Pronoms personnels


Il y a une seule phrase que le sujet peut prononcer ; une seule phrase qui simultanément affirme sa subjectivité tel elle est définie par les principes de la solitude, et paradoxalement s’oppose à l’impossibilité de la rencontre de deux sujets dans leur solitude réciproque.

Dans « Le Voleur » (Louis Malle, 1967), Jean-Paul Belmondo prononce cette phrase.

« Il n y a qu’à toi que je puisse dire que je suis seul ».

C’est avec cette phrase que la rencontre est possible, sans qu’elle soit elle-même rencontre. C’est – par nécessité de la définir – la seule forme de l’amour, non comme principe sentimentale, mais comme relation intersubjective ; elle est la seule relation possible.

L’amour est donc l’expression de son impossibilité logique. Il est l’état dans lequel un sujet affirme sa solitude, non pour lui-même mais pour autrui, ainsi prenant conscience de la présence d’autrui comme sujet; affirmant sa subjectivité sans pour autant pouvoir y accéder. C’est semblable à la foi de Kierkegaard, ou bien même à ce que Buber appellerai la relation Je-Tu.

L’autre, être indéfini qui existerai uniquement par son inexistence, est le seul à qui je puisse dire cette phrase. Si au cinéma l’autre puisse prendre forme, et devient souvent représentable, dans le domaine extra-diégétique l’autre est toujours une image, diégétique peut être, d’un désir inlassable et inextinguible. C’est lui-même l’objet du désir comme le définit Lacan.

Il vagabondait toujours à l’extérieur de lui-même ; il semblait reproduire une perception emprisonnée dans une multitude de consciences. Il cherchait un je. Dés lors qu’il se trouvera à la première personne du singulier, il ne lui resterait qu’à prononcer une phrase, une seule. Le fait de la prononcer, le croyait-il, était suffisant pour accéder à l’autre. Peut être se trompait il, peut être pas. Mais pourtant reste à trouver un je pour la prononcer.

Photo : Henri Cartier-Bresson, Volcan de Popocatpetl, Mexico