mardi, novembre 29, 2005

Parler d’amour, parler de temps


Ce désir, ou volonté – l’illusion de la complémentarité perdue – corrompt mon âme. Y a-t-il une chose supérieure à la nature ? Y a-t-il dans cette espèce décadente et fière un pouvoir intrinsèque ou une entité propre ?

La question est lamentation, lamentation est fatalité. Je constate la vie, comme un spectateur ambitieux, je perçois le monde, comme un œil aliéné.

Un être fascinant, incompréhensible et insaisissable, l’autre ne peut jamais être soi – l’autre est un terrain infranchissable.

« L’enfer c’est les autres », a-t-il dit Sartre – c’est l’impossibilité d’atteindre l’autre, l’impossibilité de se connaître sans lui et l’insoutenable aliénation du moi. Le moi cherche à se voir, à travers les yeux de l’autre, mais l’autre lui échappe incessamment – il n’y a pas de moi dans l’autre. Moi et autre sont identique réciproquement – mais ne peuvent s’inscrire dans une seule entité simultanément – la relation est impossible.

La relation n’a lieu que dans l’empire de l’illusion – c’est une illusion mutuelle – un accord dans le temps, un accord d’illusionnisme bilatéral.

Le moi se projette dans l’autre – mais en réalité ne fait que se projeter lui même en remplaçant l’autre par son image de l’autre. Conséquemment le fantasme devient la seule réalité de la relation – la seule relation.

Le moi existe seul dans le monde, devant le monde et autour du monde. Simultanément, il appartient au monde, il le voit et il le crée. La tragédie n’est que l’histoire solitaire d’un sujet face au temps et donc à la mort et l’infini.

La vie est un trajet solitaire – dans les sanctuaires qu’on traverse des ombres se promènent comme ils le faisaient sur les murs de cette caverne de Platon, sauf qu’ici le feu qui les projette n’est que celui de l’âme – le feu inextinguible du moi.

Peinture : Max Ernst, Long Live Love or Pays charmant, 1923