vendredi, novembre 11, 2005

Poétique


Dans l’ineffable état de la conscience de soi, et dans la forêt inexplorée des mots, la poésie s’impose pour donner une existence en soi aux mots, aux signes. La poésie s’impose pour donner une référence à ce qui n’est pas referant. Le mot dans la poésie ne désigne pas une chose mais se désigne lui même, il est la cause et son propre effet.

La poésie transforme le mot en chose, ou les mots en chose. Cette chose est inaccessible pour le lecteur de la poésie comme pour son auteur, dés lors qu’elle prend forme elle échappe à la conscience et devient une forme hybride de savoir. Un savoir qui existe pour être ignoré. Mais, dira-t-on, comment peut on attribué au mot poésie une valeur de chose tout en admettant qu’il reste dans l’empire du mot ? Comment peut on prendre conscience de l’existence d’une chose qui s’appelle poésie tout en excluant la possibilité de la connaître ? Comment peut elle simultanément se détacher de l’auteur du lecteur tout en étant perçue comme poésie ? Comment nomme-t-on la poésie un état de chose, de réalité, tout en excluant la possibilité de prendre conscience de toute réalité ?

La réponse est simple et fatale, c’est que la poésie est imperceptible, elle est l’acte lui même et non l’ « objet », ou le texte. La poésie c’est un acte interne de grouper les mots, dans une entité temporelle, qui exprime non pas le sens des mots, ou leur référence, mais leur existence même au moment même de leur formulation interne. Les transmettre c’est juste la représentation de l’existence potentielle d’une poésie à un certain moment, un instant passé. La poésie serait le flux inconscient de la conscience, le flux des mots avant qu’ils ne prennent le rôle de signe, avant l’intervention du moi. Ce sont les mots comme mots, a priori du sens, de la référence.

La poésie fait du mot ce que la musique fait du temps. Elle dévoile leur forme propre, leur existence dans un système extérieur à la conscience, sinon l’essence même de celle-ci, sa forme nue, sa forme.

C’est dans l’incompréhensibilité d’un poème que l’ont peut saisir le sens le plus parfait du mot, son sens le plus pur. La poésie doit se détacher du langage, elle est au delà du langage, ce n’est pas un genre littéraire, c’est la sublimation de l’écrit, la sublimation du mot. Elle ne connaît pas de système ni de restrictions.

La poétique est un état existentiel. La poétique c’est la poursuite interminable de la chose en soi du mot.

Peinture: René Magritte, Les Deux Mystères, 1966