mercredi, juin 29, 2005

Instant d’histoire

Les rescapés du génocide de l’intelligence humaine. Les survivants de l’age de l’ignorance trônée. L’histoire vieillit, elle perd sa mémoire, son sens de logique.

Combien de phrases et de manuscrits sont tombés dans les décombres de l’oubli tandis que les nouveau historiens électroniques enregistrent le ridicule.

Je suis sceptique envers le futur, je dirai même pessimiste. On retombe dans le Moyen Age, le temps des civilisations s’est révolu laissant à l’humanité des indices facultatifs, mais hélas la facilité est toujours séduisante. Un Moyen Age global, personne n’est à l’abri. Une influence sans égale, l’histoire se réunit pour la première fois, c’est la première rencontre, la première impression et on se fait beau pour plaire à la mémoire des siècles. Les ruisseaux se rejoignent dans la rivière de la modernité.

Je me demande si jadis l’Eglise croyait vraiment à la volonté de Dieu. Question qui restera à jamais sans réponse.

Je me souviens du temps où on faisait la guerre comme on fait l’amour, avec passion. Lorsque les guerres étaient pures, le contact intime entre le fer et la chaire, l’orgasme de la violence. Le sang qui naguère arrosait le sol et engendrait les peuples et les cités. L’abject est souvent beau, organisé, et propre, les apparences sont insignifiantes pour la raison.

Je me demande si Rome avait honte de sa puissance, de ses désirs, de ses pulsions. Et puis je pense à Marc Aurèle, un homme parmi les ombres.

Les questions sont toujours les même, on a juste oublié, ou tout simplement renoncé. Les mythes existent toujours mais sous d’autres noms. Nos ancêtres, aussi savants qu’ils l’étaient, n’appelaient pas leurs récits sacrés, leurs cosmogonies, mythes mais simplement réalité. Et nous, n’avons nous pas des réalités ? N’avons nous pas de mythes ?

Les mythes c’est des réponses provisoires, des spéculations. L’histoire en est surchargée, c’est pour cette raison qu’elle succombe.

Chères spectateurs, amusez vous, le spectacle continue avec une splendeur sans précédent.

samedi, juin 25, 2005

Conclusion académique

Des visages familiers qui se succèdent dans les fils d’attente de l’oubli. Des ombres quasi-vivantes qui se dissolvent dans le cycle des paysages urbains. Un moment de réflexion, un moment d’émotion atténuée par les effets funestes de la conscience libre. La face néfaste des temps modernes, par leurs idées et idéaux, le langage rythmé et mélodieux, la grammaire sonore. Je me met face au temps qui s’écoule inéluctablement, une goûte de remord, une humeur arctique, des mots artificiels, puis un regard tragique qui ne porte qu’indifférence.

C’est encore une phase de passée, une étape sur le calendrier chargé de non-sens accroché sur un mur blanchâtre parfois gris au paradis ou dans l’au-delà. Dieu me regarde avec son chronomètre et son cahier, observateur cynique qui ne manque de légèreté. Parfois en marchant la nuit, à la fin d’un groupe horaire, je tords ma colonne vertébrale et je contracte quelques muscles, mes yeux se dirigent au ciel avec un regard de complicité.

Je me soulage en pensant que la vue aérienne doit valoir la peine, pour un instant j’éprouve le plaisir de la divinité.

jeudi, juin 09, 2005

Droits et responsabilités

Election vient du mot latin elector, « qui choisit ». Toutefois ce mot qui désigne en ce moment la préoccupation mondiale, et la base même de la démocratie qui va dévaster le monde « non - libre », tel la vague qui a jadis dévasté le monde « non - civilisé », a été beaucoup employé dans le langage religieux au sens de « choix fait par Dieu lui même », l’expression vase d’élection, d’après le latin ecclésiastique vas electionis, en est un exemple.

C’est un choix divin. L’homme est à l’image de Dieu. L’homme est Dieu. C’est un choix humain. Autant ce syllogisme paraît ridicule et erroné, il est la base même de la logique humaine.

Les temps changent, des idées naissent et se dégradent comme la pourriture humaine qui se démange dans les tombes. Les temps changent et emportent des pensées et des idéaux, des histoires et l’Histoire. Les temps se métamorphosent et révèlent la stagnation de l’humanité. Le temps est un phénomène autonome, les siècles passent et les populations se meuvent, les penseurs écrivent, les artistes créent et les masses suivent. Les livres appellent ce phénomène ‘l’Histoire’, vaste champ de connaissance, nos ancêtres étaient de grands hommes et pourtant on est supérieurs, car on est libre dit-on.

L’humanité, après de longs combats contre elle même, a enfin triomphé, et la démocratie, principe hybride dépourvue de forme, est notre seul souverain. La liberté, ce mot face auquel les plus grands penseurs se sont penchés, tellement complexe, tellement intangible, est à présent claire et à la disposition de tous.

Le reste de ses propos n’est pas digne d’être dit, car un raisonnement, n’importe lequel, donnera sens à ce non-sens qu’on subi. Est-ce un progrès ? Est-ce la liberté ? La facilité et l’immédiat sont constamment majoritaires.

Le mot clé est élection, « choix fait par Dieu lui même ». La nouvelle divinité n’est qu’un mensonge comme ses antécédents.

Citoyen ou sujet.

mercredi, juin 08, 2005

Amendement

Il existe un degré de séparation entre la solitude et l’isolation. L’une est volontaire l’autre est imposée. Effectivement les deux termes peuvent être utilisés pour désigner un concept identique, mais pourtant la nuance existe, du moins dans le concept lui même.

Je me perds entre le volontaire et l’imposé.

Je prends un plaisir pervers à observer, et parfois à subir, la cruauté de l’être humain. Cela nourrit ma certitude de la pourriture de cette espèce entière.

Une revanche dissimulée.

Elle m’a discrètement blessé. J’ai saigné des débris de mémoire et l’ombre d’une larme qui ne se dévoilera jamais. Le sang n’était point rouge, couleur de la vie et de la mort, couleur de la passion et du mensonge, il était noir comme le bonheur, l’absence de couleur, l’inexistence de la forme, il était vide, inanimé, un sang qui n’a pas de mémoire.

A ce même moment j’ai regardé ma mémoire et je me suis senti abandonné. Mes souvenirs m’ont trahi, je ne supportais pas l’idée que ce sont mes souvenirs, ce ne sont que des mensonges. Elle les a détruits en les oubliant, elle les a méprisé. Rien de tout cela n’existe et n’a jamais existé, ce n’était qu’un rêve personnel, un rêve qui m’appartient seul. Les souvenirs jadis communs, à présent me sont réservés, je les lui interdis.

Atrocité sentimentale.

Je me sens trahi par moi même.

Peut être je surestime les faits. Peut être serai-je romantique, peut être simplement rétrospectif. N’importe mes attributs et mes défauts, je serai ainsi, mais je le serai seul, partager une vie c’est la sacrifier, personne ne reconnaît la valeur de la relation. L’être humain est un être incapable de partage sentimental, c’est un être violent et insensible. C’est une matière consciente d’elle même, c’est une matière qui se donne de la valeur, c’est une matière prétentieuse, c’est le ridicule dans sa splendeur.

Temporalité

L’avant me tente par sa médiocrité. Je coure et me voilà dans le comble de l’abandon.

J’ignore toujours la phase transitoire. Entre la volonté et l’acte lui même. Entre le raisonnement et la représentation physiologique, l’existence est accablante. Je ne me lamente pas, ces mots ne sont guère des mots de désespoir, mais ce sont, au contraire, ce que certains appelleront des trajectoires rationnelles.

La vérité s’est perdue dans l’histoire.

« La philosophie n’est pas une illusion, elle est l’algèbre de l’histoire » disait Merleau Ponty.

Je me suis naguère résolu à ne pas subir le temps, renoncer à la mesure commune, ces fractions synthétiques et consensuelles. Le temps est subjectif, la concordance est virtuelle et le contraire est improuvable. Pourtant il en est de même pour la subjectivité. Le temps me meut. Il m’est incontrôlable. La théorie, elle, tient toujours, elle est irréfutable.

C’est le seul qui existe, l’unique, le créateur de la vie, le maître de tout destin, le détenteur de la mort. Le temps est l’unité de la vie.

samedi, juin 04, 2005

Paysage électoral

Les élections parlementaires sont là, ‘enfin’ disent les uns, ‘hélas’ disent les autres. La première étape est la capitale, le paysage « démocratique » est surprenant non par l’ampleur de la bataille électorale mais par une surabondance de portraits différents et pourtant identiques. Les photos et les banderoles se déploient partout à travers la ville. Une liste électorale qui fait la guerre à elle même, une quasi absence d’adversaires et pourtant la campagne électorale est flamboyante.

Des photos en couleurs, un père martyrisé, un fils naissant et des visages anodins qui se rassemblent autour du roi. Voilà le nouveau visage de Beyrouth, tantôt un sourire tantôt un regard méditatif. Une omniprésence de ce nouveau venant, ce sauveur héritier, Beyrouth illustre la nouvelle démocratie. Une figure unique mais qui prend différentes formes. Un fils à l’image du père, un fils à la place du père. Le roi est mort, vive le roi !

Beyrouth est inondée de slogans et de mots démunis de sens, « unité nationale », « liberté », « indépendance », « allégeance ».Le martyre avant tout, rien d’autre ne compte ; lois, nation, peuple, ceux-là sont négligeables face à l’immensité de la perte, la grandeur du défunt.

Voilà le paysage électoral de Beyrouth au lendemain de l’ « indépendance » victorieuse que l’unanimité a déclarée comme l’œuvre d’un peuple qui s’est enfin réveillé. Ce même peuple ne s’est pas senti concerné le jour des élections, plus que 70% de ce même peuple ne s’est pas réveillé, et pourtant la démocratie est enfin victorieuse. Le peuple s’est prononcé et les silencieux, eux, n’existent pas.

Unanimité, élection d’office, quelques voix dans une caisse de vote, des yeux perplexes qui regardent les chaînes de télévision, des clips rappelant l’immensité de ce jour, une absence du peuple, quelques dollars, des photos en couleurs, des mots poétiques, des phrases rimées, un pays, et une unité nationale introuvable que dans les slogans et les discours, un pays indépendant qui déborde de liberté et de ridicule, voilà le Liban qui se révolte.

Instance ensoleillée

Je suis emporté par la rage. C’est un état latent qui ne cesse de surfacer instinctivement et contre la volonté. C’est irraisonnable, c’est même déraisonnable. C’est certainement un des méfaits, nombreux d’ailleurs, qui subsistent depuis la naissance, ou l’avènement, de la logique.

Dehors, le jour bat son plein, le soleil déverse ses rayons sur tout et tous. Une résolution raisonnable essaye de se dégager des dégâts de mon esprit, et le soleil est toujours au dessus de l’horizon. Les résolutions sont normalement nocturnes.

Le repos n’est qu’une séquelle de la fatigue. La fatigue c’est le miroir de l’action.

Enterre la rage et la passion qui s’enracinent dans tes veines.

La Chine lorsqu’elle aime

Si parmi la finitude des sentiments qui peuvent dévaster le coeur d’un être existe un seul capable de gratifier toute souffrance éventuelle, ce sera certainement et sans remords, cet étrange et pourtant tellement normal phénomène, ou au delà, l’amour.

Le mot amour m’est autant antipathique et répulsif que m’est attirant le concept voilé derrière cette sonorité. Je ne peux dire le mot pour désigner un état de transcendance assujettissant. Un contresens dira-t-on, oui, mais pourtant rien n’est logique dans cet état dit-on aussi.

Je crois que pendant un certain temps, que j’évite de délimiter, j’ai renoncé à ce qu’on appelle dans le secteur de la fiction et des romans parfumés, la quête de ma deuxième moitié comme dirai Aristophane.

Un détour vers la raison, un choix d’éventuel bonheur ou simplement un pari de bien être potentiel. Je ne peux nier que j’ai rencontré des doutes et que j’ai même passé par un brin, pour ne pas dire tas, de scepticisme à cet égard. Mais le temps passe et avec lui emporte la mémoire, celle-ci pleine de souvenirs, de frissons et de joie. Mais comme les vagues qui se déchaînent en alternance sur le sable, la mémoire revient de temps à autre et puis replonge dans la mer.

A présent, et ces phrases sont en réaction à une œuvre visuelle mouvante qui a ravagé la rétine de mes yeux et s’est éparpillée un peu partout arrivant a l’organe qui pompe la vie et parfois la mort dans mes veines, je ressens. Evidemment ceci est une phase transitoire, l’insouciance est mon seul compagnon. Le vide remplit mon cœur, et je pense.

Désormais le violon me tue.