C’était pour des raisons quelconques qu’il est arrivé, des circonstance communes, ou, tout simplement, la réalité des choses. Il avait déjà acquis une phobie ou tout simplement une apathie passive envers cet espace. Les uns nommeront cette attitude phobie, pour la simple raison qu’ils représentent cet espace positivement, les autres, qui le représentent négativement, la nommeront réalisme, ou autre, ou tout simplement, ne la nommeront pas.
Un temple, un autel, un théâtre religieux, et la loi divine est inéluctable, le ridicule moderne. Il avait passé la sélection. Il avait, par coïncidence ou par mérite, pénétré la cérémonie. Des ondes de longueurs différentes réussissaient à prendre un contrôle provisoire et tolérable sur sa motricité. Une foule cérémoniale, qui se livre au pouvoir d’un être sonore. Il faut une dévotion, correcte ou simulée, mais lui il ne l’avait pas, en fait il ne l’a jamais voulu, pour des raisons qui lui semblaient totalement logiques.
Il savait qu’il ne va pas survivre, il savait que ce n’est pas en changeant de lieu qu’il changera d’habitudes. Il essaya de se trahir, il avait même annulé autant de conscience qu’il le pouvait, mais pas la Conscience, pas celle là. Pierre Reverdy avait bien écrit, « on ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux ».
Il essayait d’avoir un rêve, de le posséder.
Il la voyait dans la laideur de toutes les femmes ; désormais la beauté lui était invisible.
Des formes asymétriques, des substances organiques, produits d’un renoncement à la conscience comme être suprême. C’est le temple de la masse, le temple de l’inexistence. Il méprisait les foules et n’y pouvait rien, des fois il avait essayé de tolérer, ou plutôt de subir des actes coutumiers, des cérémonies sociales, mais ce n’était jamais possible. Il ne pourra jamais goûter les plaisirs collectifs.
L’air dans cet espace se déguisait en marchand de sable, l’expérience corporelle est étrangère à celle de l’esprit, celle de l’entendement. Il était devenu une surface ondulatoire, il s’était inévitablement fusionné aux sonorités raisonnantes. Ses yeux, par contre, restaient fidèles à lui. Il était un étranger, un ennemi de ce royaume.
Elle avait des yeux rêveurs, le genre d’yeux qui distinguent un individu dans une foule. Son corps, témoin d’une volupté hésitante, une volupté à l’apparence imposée, commettait des mouvements atypiques, non rythmés. Elle avait des yeux qui portaient toute la laideur de l’espèce, toute sa banalité, toute sa faiblesse. Le rêve qui résidait dans ses yeux était autre que le sien, un rêve inférieur, un rêve irréel ou trop réel. Elle n’avait pas d’esprit, elle n’avait que des yeux rêveurs, mais elle ne rêvait pas, elle n’existait pas, elle était un objet, un objet répulsif, un objet inutile, des yeux sans esprit. Il la regardait et ses yeux ne pouvaient se lasser de subir le spectacle répulsif. Et puis, elle le regarda.
Dans la foule infinie d’ombres mouvantes, il ne voyait personne qu’elle. Le regard méprisable qu’elle avait, provoqua en lui des malaises physiques et mentaux, il éprouvait un dégoût insupportable, il avait mal. Elle était l’incarnation de la bassesse, de la méprise, de l’autre femme. Et elle le regardait, elle le regardait d’un regard qui se veut séducteur. C’est le fait qu’elle le séduisait ainsi qui l’entraîna dans une rage interne. Le fait qu’elle y croyait, qu’elle se croyait séductrice. Qu’elle croyait qu’ainsi elle pouvait le tenter. Ses yeux rêveurs, tellement souillés par un regard ignorant, un regard d’objet, une laideur métaphysique mais incontournable, l’avaient violé. Il voyait un monstre, une déesse terrible, une déesse des ténèbres les plus atroces.
Il la contemplait pour voir son amour, le voir par opposition, par négation. Il se lançait dans des spéculations imaginatives pour se transporter à cet espace réel qu’il partageait avec son rêve.
La répugnance atteignit rapidement des degrés insupportables, des degrés ultra-expérimentaux, il ne pouvait plus tolérer un seul regard de plus vers cette créature. Il voulait simplement arrêter cet épisode, il voulait s’éloigner de cet espace morbide. En fait il voulait oublier ou non. Il savait qu’elle, la vraie, était l’antidote, qu’elle était la seule. Il savait que désormais il ne verra que la laideur dans toutes les autres, il le savait, il le savait même avant qu’il ne la connaisse.