transport
C’était pendant son chemin vers la gare que les idées paralysantes commencèrent à gémir dans sa tête. L’idée même de gare avait provoqué le déclenchement d’un mécanisme de stimulation qui se manifesta dans des associations aléatoires et imprégnées par les acquis sémiologiques et culturels. C’était sa mémoire visuelle, et toutes les autres, qui propageaient des fragments d’idées.
La gare, cet élément tellement présent dans la littérature française, cet héro de tellement de romans, était symbole d’égarement. D’ailleurs la racine étymologique témoigne de quelques relations que l’histoire des mots range dans un certain tiroir.
C’était un signe, certainement pas un signe divin, puisque la présence divine n’a occupé aucune fonction motrice dans le schéma de son existence mais un signe quand même. Il ralentit le rythme de ses pas. D’un regard admiratif il contempla la grandeur tellement cinématographique de cette gare. Il ne pouvait à ce moment cerner le degré de réalisme que ses yeux lui transmettaient. Serai-ce des pinceaux de peinture d’un peintre médiocrement doué, d’un peintre qui ne survivra que dans l’oubli de l’histoire, dans l’oubli de la création. Cette question lui restera toujours sans réponses, sans réponse.
A cet instant il savait qu’il allait reprendre ce même chemin mais inversement, mais ses pieds et ses yeux, toutes les forces motrices de son corps ignoraient ce fait. Il s’approchait de l’intérieur, à présent il connaîtra l’âme de cet endroit, de ce lieu, de cet espace.
Ce n’est pas la grandeur de la foule qui importe dans les gares et les espaces de déplacement massif. Mais c’est plutôt le rythme avec lequel elle se meut. D’ailleurs une raison simple peut expliquer ce phénomène et c’est le fait que les déplacements sont régis par des contraintes temporelles assez précises, du moins explicitement imposantes. L’action de toute cette foule était gouvernée par des chiffres qui décident le temps, le passage du temps, le déroulement de la vie, c’était dans ce genre de foules qu’on touche directement et clairement le pouvoir fatal du temps sur l’homme. C’était la représentation, l’allégorie idéale.
Attendre dans une gare était l’acte le plus symbolique de la vie. Une attente qui ne dépend que du temps, de cet élément seul. Car le moyen de transport va irréfutablement arrivé à un moment ou à un autre, mais il lui faut un moment et c’est là que le temps domine. L’attente est pour le moment et non pas pour le train, car le train, lui, va venir à un moment, n’importe quel moment.